Pendant qu’on scrutait le moindre riff venu de Boston, Malmö ou Birmingham, la France s’est muée en volcan au grondement sourd. Oubliez le gimmick “la scène française manque d’identité” : celle-ci se paye un réveil hardcore d'une violence clinique, qu’on n’avait pas vu venir depuis l’épisode “Rise & Fall” du Hellfest 2006 (le premier vrai raz-de-marée core au fest).
Il suffit d’ouvrir les yeux et d’écouter : sur les plateformes comme Bandcamp ou Spotify, près de 150 nouveaux groupes de hardcore-métal français sont apparus entre 2019 et 2023 (source : Metalorgie). Autant dire que ça bruit dans les caves.
On parle d’une scène qui s’affirme, s’arme, et vise plus loin que la cave municipale. Preuve : le “French Core” commence à faire couler de l’encre jusqu’aux USA (lire “The Rise of French Metalcore” chez Metal Injection).
Longtemps, le hardcore-métal français a bricolé dans l’ombre. Culte du DIY, concerts en squats, en mode plan B avec une sono d’EMT sur sa fin de vie. Le mérite ? Avoir forgé une scène incroyablement soudée, mais aussi sacrément inventive, obligée de jouer des coudes entre absence de moyens et censure rampante.
Depuis cinq ans, le game a changé :
La professionnalisation, c’est aussi des chiffres concrets à la pelle. Par exemple, la prod du Hellfest accueille désormais 20% de groupes français par édition. Aux Eurockéennes 2023, l’affiche “Nuit Hardcore” a fait salle comble en moins de 30 minutes (source : Arte Concert). La demande est réelle, pas un simple effet de mode.
S’il fallait mettre un mot sur le hardcore-métal hexagonal, ce serait “frankenstein”. La plupart des formations ne jouent pas la carte du genre pur. Ici, blastbeat, influences death, stoner, sludge, trap, voire hip-hop, tout peut rentrer dans la marmite. Quelques exemples frappants :
On est loin des clichés du hardcore à casquette vissée façon 1999. Les nouveaux venus assument autant l’héritage de Kickback que le syncrétisme des années 2020.
Là, on rigole plus du tout. La ruée vers les concerts est palpable. Quelques chiffres :
On assiste à un vrai raz-de-marée générationnel, qui fédère trentenaires et ados. Le moshpit n’a jamais été aussi multigénérationnel — “On a vu des parents pogoter avec leurs enfants dans la fosse à Stinky, c’est pas une légende urbaine.” (Source : Live Report, Loud TV)
| Groupe | Auditeurs mensuels Spotify (2023) | En concert à l'international? |
|---|---|---|
| Landmvrks | 1 200 000 | Oui (Europe, UK, USA) |
| Stinky | 35 000 | Oui (Espagne, Allemagne, Suisse) |
| Karras | 12 000 | Oui (Belgique, Pays-Bas) |
Fini le centralisme métalleux, la province allume des foyers un peu partout :
Prouesse supplémentaire : malgré le marasme économique, les petits festivals hardcore poussent comme des morilles — citons Brutality Overload à Reims, ou Grrrnd Zero à Lyon. Quand le sol tremble, c’est toute la France qui vibre.
Évidemment, il y a les adeptes du gatekeeping. Ceux pour qui “c’était mieux quand on se gelait devant le Kalif de Rouen en mangeant des chips molles”. La critique d’un certain nivellement de la brutalité ou de la dilution des valeurs DIY revient régulièrement. Mais soyons honnêtes : la vitalité de la scène ne passe plus par l’élitisme ni la nostalgie du Walkman.
L’histoire montre que chaque explosion hardcore finit toujours par ringardiser ceux qui jurent que c’est “fini”. Voyez le revival deathcore UK ou l’emballement autour du hardcore NY chez les Gen Z. En France, comme ailleurs, le cyclothymique “c’était mieux avant” ne fait que nourrir la prochaine génération.
Alors, vraie nouvelle ère ou simple cycle ? Le doute est permis, mais il y a une différence fondamentale avec les précédentes vagues : la scène française s’assume, tire à boulets rouges hors de ses frontières, et injecte une dose inédite de diversité.
Ce qui compte aujourd’hui, c’est que la relève hardcore-métal est là, structurée, inventive, et que l’énergie du béton français s’exporte dans le monde entier, à l’âge du streaming, du social media et du retour triomphal des concerts. Personne ne sait si ce sera l’apocalypse ou la conquête, mais une chose est sûre : impossible dorénavant de snober les kids du hardcore français. Rendez-vous dans la fosse – le mur du son, ce soir, il sera bleu blanc blast.