La France, ce nain du métal avant les années 2000

Retour en arrière. Avant 2000, parler de métal français, c’était un peu comme parler de la gastronomie américaine : pas crédible. Il y avait bien Trust qui hurlait ses coups de gueule punkoïdes dès les années 80 avec “Antisocial”. Baptême du feu sympa, mais on ne parle pas vraiment de métal moderne ici. Quelques groupes underground essayaient d’éclore, et parfois, des pépites comme Massacra dans le death ou No Return dans le thrash pointaient leur nez. Mais rien de massif...

Et c'est justement ça le problème : la France manquait d’identité sur la scène. Les US avaient leur groove teinté de power avec Pantera ou Lamb of God. La Suède ? Elle empilait des chefs-d'œuvre mélodiques façon At The Gates ou In Flames. Nous ? Silence radio, ou presque. Il fallait absolument un groupe capable de ruer dans les brancards.

Quand les frères Duplantier débarquent : naissance d’un titán

En 2001, ils se pointent. Joe et Mario Duplantier, accompagnés de Christian Andreu et Jean-Michel Labadie : quatre mecs dans leurs coins de Bayonne qui osent sortir un premier album intitulé "Terra Incognita". Et là, quelque chose se passe. Certes, le succès est encore confidentiel, mais même à ce stade, leur approche est déjà inédite.

Leur idée ? Mixer brutalité et mélodie avec un discours engagé. Sur scène, l’énergie sismique de Mario éclate les tympans, la voix gutturale de Joe happe tout. Thématiquement, ça tape fort : la planète, l’humanité ruinée par sa propre main, et un questionnement philosophique qui donne à leurs morceaux une aura mystique.

C’est vraiment en 2005 que la fusée décolle. Leur album "From Mars to Sirius" arrive tel un météore dans le paysage mondial du métal. Le concept ? Une traversée musicale entre éco-conscience, spiritualité et riffs absolument massifs. "Flying Whales", avec son intro aquatique, est aujourd’hui un hymne. À l’époque, ce chef-d’œuvre leur ouvre des portes, aux USA notamment, où ils commencent à tourner avec des pointures comme Lamb of God et Machine Head.

Gojira : le chaînon manquant entre brutalité et eco-métal

Le truc avec Gojira, c’est qu’ils ont comblé un vide dans le métal. Les groupes écolo ? Ça faisait un peu hippie à fleurs. Les groupes brutaux ? Ça manquait parfois de profondeur. Gojira a amené les deux, parfaitement dosés :

  • Un son ultra-dense, technique, et travaillé à la perfection, avec des structures complexes mais accrocheuses.
  • Des messages conscients : leur engagement écologique a toujours été central, comme en témoigne leur album "The Way of All Flesh" (2008).
  • Une authenticité désarmante : pas d’artifice, juste du vrai.

Les US les adorent, et ils finissent même sous la bannière des géants Roadrunner Records en 2011. Et là... tout décolle. Ils sont nommés plusieurs fois aux Grammy Awards, ce qui, faut l’avouer, reste un camouflet pour tous les clichés selon lesquels les Français ne toucheraient rien niveau métal lourd.

L’héritage d’un mastodonte : Gojira et la scène française

Ce qui est fascinant avec Gojira, c’est qu’ils ont cassé des barrières, mais qu’ils ont aussi ouvert une brèche pour d’autres groupes français. Des mecs comme vous et moi qui bossaient dans l’ombre et qui ont vu dans Gojira la preuve que, oui, c’était possible.

Depuis, on a vu émerger une scène française diversifiée et surtout reconnue à l’internationale : Alcest avec son métal shoegaze atmosphérique, Benighted qui tabasse tout en brutal death, ou encore Regarde Les Hommes Tomber avec un blackened sludge oppressant. C’est une nouvelle dynamique.

On pourrait parler de Landmvrks, à Marseille, qui redéfinissent le metalcore façon hexagone avec un poids mélancolique. Ou encore de Klone, qui mêlent prog et rock sombre comme personne. Ce que Gojira a déclenché, ce n’est pas juste une ascension personnelle : ils ont permis à la France de s’imposer comme une nation crédible dans la scène mondiale.

Une ascension sans fin, et l’avenir ?

Gojira continue aujourd’hui de défoncer des plafonds. Leur dernier album, "Fortitude", est une masterclass absolue. Avec des titres comme "Amazonia", ils remettent encore une fois l’écologie sur la table, tout en insérant des éléments plus tribaux à leur arsenal sonore. Bref, ils progressent sans cesse. Pas étonnant qu’ils remplissent désormais des arenas, comme l’Accor Arena de Paris en 2022. Qui aurait pu imaginer ça, vingt ans plus tôt ?

Mais la vraie question qui reste, c’est : et après ? Peut-on imaginer d’autres groupes français atteindre des sommets similaires, ou même dépasser Gojira ? La route est encore longue, mais l’élan est là, et il est rageur. La scène française est désormais lancée, et face à la morosité ambiante de beaucoup de genres musicaux, autant dire que notre métal a les crocs.

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