Qui aurait parié un vinyle de Morbid Angel il y a 15 ans que porter un t-shirt Obituary ferait cool... même chez les néophytes ? Le metal à l’ancienne – entendez thrash ciselé, death graisseux, heavy bardé de riffs à l’ancienne – s’affiche aujourd’hui partout : des petits mosh pits de clubs miteux à la tête d’affiche des plus gros festivals hexagonaux. Asphyx ramène plus de monde que la raclette du CE et le moindre tribute Metallica fait salle comble en province. Mais est-ce vraiment le signe d'une vague profonde, ou juste un effet boomerang nostalgie à la TikTok ? Face au flot de reformation, de young blood qui bave d’envie sur la prod d’il y a 30 balais, la question se pose : le old school reprend-il la couronne ou surfe-t-il sur un créneau vintage éphémère ?
Les plateformes sont le baromètre du public, et c’est sans appel : le riff “old school” est plus streamé que jamais. Même YouTube voit les tutos “comment sonner comme Sepultura époque Arise” exploser en vues. Les labels ressortent à la pelle éditions vinyle et cassettes, preuve que la Kriegsmaschine du merchandising old school carbure.
Tous les styles tournent en rond à force d’auto-plagiat, mais le métal a cette maladie chronique du “c’était mieux avant” tatouée dans son ADN. Alors, pourquoi ce besoin de revenir au son terreux et sans artifice ?
Attention, tout ce qui brille n’est pas acier trempé. Le revival old school sert aussi de paravent à certains groupes en mal d’identité… qui n’ont parfois que la chemise à carreaux héritée du tonton et le pédalier Boss d’occaz pour valoir le label “true”. Le phénomène n’est pas nouveau :
Là où ça se gâte, c’est quand le revival devient costume de scène. Beaucoup surfent sur le “look” et l’image, mais dès qu'on gratte, il n’y a pas la sueur, pas la rage, juste une posture… Un peu comme ces souvenirs d’époque qu’on encadre mais qu’on n’a jamais vécus.
Impossible de bouder l’effet Insta/TikTok. Les réseaux ont dopé la visibilité du old school, pour le meilleur ou le (pas toujours) pire. Rings of Saturn, qui se fait kicker d’un label pour usage abusif de backing tracks et revient trois mois plus tard avec un son à la Sepultura... Les hype cycles s'accélèrent.
Mais gare : le risque ici réside dans le zapping permanent. Un “revival” TikTokisé peut aussi disparaître dans la brume numérique une fois le trend passé.
La France n’est pas en reste. Combien de groupes retrouvent vie sur la foi de cassettes bootlegs ou de blogs fouilleurs (Metal Integral, La Horde Noire) ? Plusieurs festivals de niche – Pyrenean Warriors Open Air (PWOA), Courts of Chaos à Plozévet – affichent sold out sur du pur old school, avec un public bien plus jeune qu’on ne veut le croire.
Clairement, la nostalgie ne suffit pas : la scène locale bouillonne de mecs/ nanas qui ne veulent plus que le made in France soit bon que pour la baguette et le panthéon du hardcore.
Le metal, comme tout mouvement musical un tant soit peu vivant, alterne les phases d’avant-garde et de régression saine. Le revival old school n’est ni une bible gravée dans le marbre, ni une vaguelette destinée à s’évaporer à la première averse. Mais un fait reste, blessure ouverte pour tous ceux qui croient au chaos amplifié : au-delà des chiffres, des hype et des playlists, c’est une soif viscérale d’authenticité qui brûle derrière ce retour. Ce n’est pas un “retour” fantasmé : c’est une remise en question permanente, une lutte anti-formatage.
A ce stade, un respect s’impose pour ceux qui creusent le sillon sans l’aseptiser, qu’ils soient barbus, crinières au vent, ou kids en perfectos trop grands. La tendance passera peut-être sous le radar dans quelques années, ou va se densifier jusqu’à donner naissance à une nouvelle bête de scène. Mais une chose est sûre : le metal old school, lui, ne meurt jamais vraiment. Il attend juste, patiemment, que le mur du son craque encore.
Envie d’en découdre ? Va trainer du côté des petites salles, déterre un split-vinyle ou monte ton groupe garage : puisqu’au fond, le old school n’est pas rétro, c’est éternel… à condition d’avoir le riff et la sueur.