Les débuts d’Anthemon : isolés, mais résolus à marquer les esprits

Remontons aux années 1990, cette époque où le metal français se cherchait encore dans les failles des mastodontes anglo-saxons et scandinaves. C'est là qu’apparaît Anthemon, formé en 1997 quelque part dans la grisaille urbaine parisienne. À cette époque, la scène doom en France est une vraie anomalie, un paysage désertique où quelques tentatives isolées peinent à retenir l’attention face aux poids lourds internationaux. Créer un groupe dans ce style relève du défi – mais aussi d’une conviction. Une conviction que la lenteur, l’oppression musicale et les atmosphères mélancholiques méritent une voix française.

Anthemon ne perd donc pas de temps à tâtonner. Dès leurs premières démos, les gars (et notamment la voix unique de Marc Rouyer au chant clair et guttural) montrent leur maîtrise d’une écriture qu’on pourrait qualifier de délibérément ante-mainstream. Comprendre : pas besoin de suivre les clichés ou de lorgner chez les voisins du nord. Ils s’expriment dans leur propre langage musical, évitant le simple copier/coller des grandes figures britanniques ou suédoises. Et c’est là qu’ils plantent la graine du doom metal français : dans cette volonté d’apporter un truc qui respire la singularité.

Entre doom pur et influences progressives : une identité unique

Un des points forts d’Anthemon, et peut-être leur plus grande contribution à l’émergence d’un doom français, réside dans leur audace stylistique. Ils ne se contentent pas d’empiler des riffs pachydermiques comme d'autres groupes doom plus traditionnels. Non. Ils y ajoutent des structures progressives, des éléments atmosphériques, et une dualité vocale particulièrement bien maîtrisée. Écoutez leur premier album, "Dystopia", sorti en 2002 : il regorge déjà de cette ambition.

  • Des passages qui alternent entre riffs lentes – façon pelleteuse sur un champ de gravats – et envolées mélodiques presque aériennes.
  • Des influences qui vont clairement piocher chez des groupes comme Opeth, mais en gardant cette tonalité résolument introspective et mélancolique unique.
  • Un discours à la fois universel et propre à la sensibilité française : le spleen existentiel, quoi de plus typiquement hexagonal ?

Avec des morceaux comme "When the Sun Sets in the West" ou "Subterranean Corridor", ils ancrent leur musique dans une esthétique qui ne renie pas son appartenance au doom tout en y ajoutant une profondeur et une complexité qu’on attendrait davantage d’un groupe de prog ou de post-metal. Pour l’époque, c’est visionnaire. Et surtout, ça montre une voie inspirante à une scène nationale encore en balbutiements.

Le tournant des années 2000 : une reconnaissance timide, mais essentielle

Le début des années 2000 marque une évolution majeure, non seulement pour Anthemon, mais aussi pour l’écosystème doom français. En sortant plusieurs albums et EP d'excellente qualité, notamment "Arcanes" (2002), le groupe montre qu'il est une valeur sûre dans une scène encore trop souvent mise sous silence. Mais soyons honnêtes : la reconnaissance internationale reste limitée. Pourquoi ? Parce que la France n’a, à cette époque, ni les structures, ni les moyens pour propulser ses talents dans le grand bain des tournées mondiales. Et pourtant, ceux qui savent, savent. Des critiques positives pleuvent dans les médias spécialisés underground (RIP Hard Rock Magazine d’ailleurs), et leur musique commence à toucher un public de connaisseurs et de mordus à travers l’Europe.

Par ailleurs, Anthemon s’investit dans une certaine professionnalisation. Ils montrent qu’un groupe français peut rivaliser avec ses voisins européens sur le plan de la qualité de production et de composition. Bon, on ne va pas se mentir, ils n’ont jamais vraiment percé au-delà du cercle des initiés. Mais leur acharnement et leur exigence ont pavé la route pour d’autres groupes doom et atmospheric metal français. Sans eux, on n’aurait peut-être pas vu émerger des formations comme Monarch ou Dirge dans leur forme actuelle, ou même des groupes plus récents comme Hangman’s Chair qui frôlent aujourd’hui un succès bien plus large.

Un héritage qui dépasse leur discographie

Alors, quel est le vrai rôle d’Anthemon dans l’émergence du doom metal français ? Objectivement, ils n’ont pas eu la carrière qu’ils méritaient. Ils n'ont pas rempli les grandes salles, ni écumé les plus gros festivals métalliques d'Europe. Mais leur véritable impact repose ailleurs : ils ont montré qu’il était possible d’insuffler dans le doom une âme francophone, sans complexe ni imitation. Et ça, c’était crucial pour légitimer tout un pan de la scène française qui souffrait souvent du syndrome de l’éternel outsider.

Si vous cherchez leur empreinte aujourd’hui, jetez une oreille aux jeunes pousses qui, elles, n’ont plus peur de chanter en français (ou de revendiquer un héritage propre à notre culture musicale). Et surtout, regardez comment le doom hexagonal à pris de l’assurance : même s'il reste underground, il dégage une identité propre sur la scène européenne. Rien que ça, c’est une victoire.

Vers demain : et si on explorait plus loin ?

Avec la résurgence du doom et du post-metal ces dernières années, n'est-il pas temps de revisiter des figures pionnières comme Anthemon et de leur redonner une place dans nos playlists ? Ils ne sont pas les seuls à avoir contribué à forger la scène française, mais leur dévouement et leur singularité méritent d’être salués. Alors, la prochaine fois que tu fouines sur Bandcamp ou dans les bacs poussiéreux, cherche pas uniquement du côté des grands classiques du doom anglo-saxon ou scandinave. Prends une chance sur un groupe comme Anthemon. Laisse-toi happer par leur noirceur et leur progression fascinante. Promis, leur musique n’a pas pris une ride. Et qui sait ? Tu pourrais bien y trouver une inspiration nouvelle. À toi de voir.

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