Dans les années 90, à part quelques irréductibles fans prêts à faire passer des cassettes au fond des cartables, le métal français, à l’étranger, c’était à peu près aussi populaire que le camembert au Fort Worth Metal Fest. À part Massacra et Loudblast, qui devaient s’accrocher pour tourner hors des frontières, les groupes s’évaporaient dans les limbes. Le marché était trusté par les labels US (Roadrunner, Metal Blade) et scandinaves (Nuclear Blast, Century Media). Les prods françaises sonnaient trop souvent “chambre à coucher”, et le tricolore, ça faisait fuir les tour managers.
Fondé en 1996 à Marseille par Michael S. Berberian, Season of Mist part sur des bases simples, presque punk : ouvrir le champ des possibles, miser sur l’avant-garde et – oh provocation – croire dur comme fer que la scène française mérite mieux qu’être backliner sur les grosses tournées. Le nom lui-même sent le « progressif », clin d’œil à Opposition d’Emperor… mais la démarche sera tout sauf contemplative.
Le placement est osé : Season of Mist veut du sale, du tordu, du culte… Mais sans céder au formatage.
C’est facile de crier au génie après coup, mais il faut saluer le flair de Berberian. Face à une industrie qui ne misait que sur Paris ou la démo “propre”, S.O.M va parier sur :
En 2003, la release de “The Work Which Transforms God” de Blut Aus Nord fait l’effet d’un pavé dans la marre chez Deathmetal.org et consorts : la France, c’est pas juste du sous-parc scandinave. Le disque se classe régulièrement dans les tops undergrounds non-français (The Quietus).
Chiffre qui pique : entre 2005 et 2020, Blut Aus Nord réalise 70% de ses ventes en dehors de la France (source : Season of Mist, interview sur Metalorgie). La majorité de ses streams viennent… d’Amérique du Nord.
Soyons honnêtes : le monde du métal, c’est pas le concours Lépine – soit tu ramènes une scie circulaire, soit tu restes à l’entrée avec ton étui à lunettes. Le Goliath US/Scandinave est massif. Mais Season of Mist a inversé la vapeur en jouant le jeu de l’underground international :
Dire que le boulot est fini serait naïf (et franchement, c’est mal connaître l’esprit chaos du label, on n’amplifie pas le vacarme pour la photo). Aujourd’hui, la concurrence est féroce : Listenable, Les Acteurs de l’Ombre, ou Bad Reputation avancent leurs pions. Pourtant, SOM reste à la pointe :
Saison après saison, Season of Mist s’est imposé en pas-de-géant comme LA rampe de lancement de la scène métal française à l’export. Le mainstream leur échappe ? Tant mieux. SOM, c’est ce qui fait encore décoller la bête hexagonale hors des frontières : sans baisser l’ampli, sans langage formaté, et, surtout, sans jamais demander la permission.