Le black metal français, c’était longtemps un archipel sombre : des perles disséminées, des groupes incroyables (Les Légions Noires, Blut aus Nord, Mütiilation, toute une époque…), mais une absence quasi clinique de structures solides. Pas d’écurie fédératrice, pas de vitrine fièrement hexagonale. Ou alors, tout était planqué sous le manteau, échangé à coups de cassettes torchées à la main ou de splits pressés à l’arrache. Et puis, débarque Les Acteurs de l’Ombre Productions (LADLO pour les initiés), un label au nom aussi évocateur qu’un blast-beat à 220 BPM, qui va casser le game et remettre la France sur la carte infernale du black metal mondial.
Fondé en 2009 par Gérald Milani, un survivant des fanzines 90s (Noir), LADLO n’a jamais prétendu jouer dans la cour des gros labels US ou nordiques. Le crédo : sortir des groupes qu’ils aiment, rester indé, bosser à l’ancienne mais avec une exigence sonore (et graphique) qui claque la rétine. Le résultat ? Un catalogue qui vaut toutes les punchlines : Regarde les Hommes Tomber, The Great Old Ones, Pensées Nocturnes, Déluge… Aucun de ces groupes n’aurait pu se hisser là où ils sont aujourd’hui sans l’effet LADLO (Metalorgie).
Qu’est-ce qui fait le hype ? D’abord, le boulot éditorial. Quand tu ouvres un vinyle LADLO, tu en prends plein la gueule : artwork de fou, inserts léchés, packaging soigné à la Hard Rock Mag’ ’98 (sauf qu’ici c’est plus sombre, et sans paillettes). Un album LADLO, tu le gardes pour la vie, il ne va pas finir en cale-porte.
Ensuite, le flair artistique. Milani et son équipe n’ont pas signé n’importe qui. Sur plus de 50 références en 2024, combien sont restées confidentielles ? Presque aucune. À chaque sortie, la presse s’enflamme. Metal Injection, Invisible Oranges, VS Webzine, et même Loudwire qui classe The Great Old Ones comme meilleure révélation européenne en 2017 (source : Loudwire).
Si LADLO cartonne autant, ce n’est pas par accident. C’est la vieille école du DIY, version 2.0. Les mecs pressent, bricolent, distribuent… mais sans sacrifier le professionnalisme. Conséquence : les commandes partent aux quatre coins du globe à chaque précommande. En 2023, plus de 60% des ventes LADLO venaient de l’export, principalement Europe de l’Est, Amérique du Nord et Japon (source : LADLO stats 2024, via GrimmGent).
C’est simple, même les groupes qu’on pensait allergiques au label s’alignent sur la charte graphique LADLO. Tu veux signer ? Tu soignes la pochette. Ici, pas de JPEG en 800px trouvé sur Deviantart.
Dans le genre, LADLO a aussi compris un truc que beaucoup ont zappé : le live fédère. Depuis 2011, l’équipe est sur tous les fronts. Organisation de tournées européennes et des plateaux “Acteurs de l’Ombre Fest” (la dernière édition à Nantes a affiché complet en préventes). En 2022, le festival a réuni plus de 1300 personnes, un record pour un event black metal en salle en France (Radio Metal).
Franchement, combien de labels peuvent se vanter d’avoir créé autant d’événements fédérateurs en 10 ans ? Pas beaucoup, surtout sur une scène aussi segmentée.
Y a-t-il un “son” LADLO ? Oui, clairement. C’est une marque de fabrique : son massif, organique, souvent enregistré en analogique (Regarde les Hommes Tomber à la “Brown Bear Recording” de Francis Caste, ça résonne encore), prod léchée mais brute, et une volonté d’innover. Les influences shoegaze, indie, prog et même jazz noir se pointent là où on ne les attend pas. Exit le black metal fast-food, ici c’est grillé au bois de hêtre.
Résultat : de plus en plus de groupes veulent se coller l’étiquette LADLO pour le sérieux image/son et la fanbase engagée. En 2024, une quarantaine de projets français auraient postulé par an, pour 2 ou 3 signatures seulement (source : Metalnews, interview LADLO).
Impossible de louper l’impact. Grâce à LADLO, la presse internationale suit, des blogs ricains aux gros mags allemands (Legacy, Deaf Forever). Des groupes français comme Au-Dessus, Way to End ou Déluge s’exportent mieux, font de vrais tournées, signent parfois sur Prophecy ou Season of Mist après être passés par la case LADLO. C’est le label qui sert de passerelle. Même les grosse pointures étrangères (pensons à Spectral Wound ou Au-Dessus) commencent à lorgner sur la French touch, souvent grâce à un split, une tournée ou un guest signé LADLO.
Avec LADLO, le black metal hexagonal a basculé du cercle confidentiel à l’avant-garde reconnue. La nouvelle génération ne rêve plus d’imiter la Norvège ou la Pologne : elle veut éclater la baraque, à la française, et avec du style. Les Acteurs de l’Ombre ont fait sauter les verrous, et par ricochet, permis à des groupes de tous horizons de s’engouffrer dans la brèche.
En moins de 15 ans, Les Acteurs de l’Ombre ont transformé l’underground français en centrale. À force de flair, de boulot graphique chirurgical, et d’un amour du blast qui force le respect, ils ont fédéré une scène, exporté des groupes, inspiré des jeunes, et modifié la perception même du black metal français. Le plus beau ? C’est loin d’être fini.
Les prochaines sorties sont attendues au tournant, et chaque signature fait trembler l’extrême. Si tu veux comprendre où va le black metal hexagonal, il te suffit d’allumer une basse à cinq cordes… et de regarder dans l’Ombre.